Interview

Lymphoedème, cancer, même combat : apprendre à se réconcilier avec son corps

Masseur kinésithérapeute spécialisée en lymphologie et en cancérologie à Argelès-Gazost, Virginie Abbadie Longo passe en 2012 le Diplôme universitaire (DU) de lymphologie dans le service du professeur Quéré à l’hôpital Saint-Eloi (CHU de Montpellier). Il changera sa manière de travailler.

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Dans les hautes Pyrénées, à Argelès-Gazost, Virginie Abbadie Longo travaille sans relâche pour accompagner les personnes atteintes d’un cancer et/ou d’un lymphœdème. Kinésithérapeute depuis vingt ans, elle travaille à la fois dans son cabinet libéral et aux thermes. « Au début, mon collègue Patrice et moi-même faisions des massages pour « insuffisance veineuse ». A l’époque, on ignorait tout des lymphœdèmes. En 2001, 2002 et 2003, Maryvonne Chardon, présidente de l’Association vivre mieux le lymphoedème (AVML), et Jean-Pierre Schiltz, kinésithérapeute et formateur, viennent former les kinésithérapeutes du secteur. Ce jour-là, on a compris : nous massions en réalité des patients atteints d’un lymphœdème. » C’est une révélation.
 

Aujourd’hui, le cabinet de Virginie est spécialisé en sénologie et lymphologie et il accueille notamment des femmes ayant eu un cancer du sein ou gynécologique et/ou ayant un lymphoedème. En 2012, la kinésithérapeute passe le Diplôme universitaire (DU) de lymphologie au CHU de Montpellier. Ce diplôme est un sésame. Elle le dit et le répète à qui veut bien l’entendre : « Il m’a permis de rencontrer une famille de lymphologie : Maryvonne et tous les bénévoles de l’AVML, Marlène, Sandrine, Hélène, Olga… » Sa carrière change de cap. Présidente de l’association Les Rubies d'Argelès-Gazost et de l’association de patients Lymphoedeme65 rebaptisée AVML 65 (Association vivre mieux le lymphœdème), Virginie s’implique auprès des femmes, atteintes ou pas d’un lymphœdème.
Depuis 2015, Virginie enchaine. Elle enseigne à l’Institut de formation de masso-kinésithérapie (IFMK) de Toulouse et accueille des stagiaires pour leur expliquer tout l’intérêt de la prise en charge d’un lymphœdème. Elle propose également des formations en continue, partout en France, à des collègues. Dans son esprit, pas de doute : pour limiter l’errance du diagnostic, les kinés doivent être formés.  

Communiquer, orienter très tôt pour mieux sensibiliser au risque du lymphœdème

Aujourd’hui, son cabinet travaille en étroite collaboration avec les chirurgiens et les oncologues de la clinique de l’Ormeau de Tarbes. Des soirées d’échanges avec les médecins qui travaillent au pôle Oncologie et avec les autres acteurs du secteur permettent d’améliorer les moyens et les outils de communication à l’attention des patientes atteintes d’un cancer du sein ou d’un cancer pelvien (gynécologique). Grâce à ces réunions multidisciplinaires, les chirurgiens les orientent désormais au cabinet juste après l’opération, en post-chirurgie. Ces séances de rééducation précoce sont capitales : elles leur évitent, si elles sont amenées un jour à développer un lymphœdème, l’errance du diagnostic.


Rester, toujours, au plus près des patientes

Pour être encore plus efficace dans l’accompagnement des femmes, Virginie a créé en 2019 le club des Rubies d’Argeles-Gazost, club de rugby argelésien se composant de femmes ayant un cancer gynécologique (lire l’encadré). Elle vient aussi d’intégrer le Réseau des kinés du sein (RKS) afin de sensibiliser ces patientes tout juste opérées au risque du lymphœdème (lire l’encadré). « Aujourd’hui, conclut, positive, la kinésithérapeute, malgré la Covid, je sens une nouvelle dynamique se mettre en marche. Finalement, le confinement a poussé bon nombre d’associations de patients à utiliser les réseaux sociaux et les visios pour communiquer. Le mouvement initié est énorme et les répercussions réelles : cela nous a aidé à créer du lien (et du sens), à développer un réseau en mouvement. Continuons sur ce rythme ! »
 

Entretien réalisé par Laurence Delaporte - Mars 2021

« Cure  : on leur donne le déclic ! »
Trois semaines consécutives de cure peuvent changer un patient, pense Virginie Abbadie Longo. Ici, les personnes atteintes de lymphœdème suivent un protocole phlébologie adapté qui intègre drainage manuel, bandages multicouches, ateliers d’éducation thérapeutique. Pendant leur cure, certains patients ont le déclic : au bout des trois semaines, ils arrivent à se prendre en charge. Ils savent comment appréhender leur maladie et leur traitement. Et, ça, c’est magique !

Sport - Bien-être - Santé : le leitmotiv du club des Rubies
Créé il y a deux ans par Virginie, grâce au docteur Motton, de l’Oncopole à Toulouse, le club des Rubies d’Argeles-Gazost réunit des femmes ayant un cancer gynécologique. « C’est du rugby à toucher, explique la kinésithérapeute. Même esprit que celui du rugby, mais sans le contact violent. Y compris pendant leur chimiothérapie, les joueuses jouent en « touch ». Elles ne rentrent pas en contact physique avec les autres et elles sont encadrées par un médecin, deux kinés, un coach sportif, une sophrologue et une professeure de yoga. Aujourd’hui, le club est classé parmi les 5 sections pilotes nationales pour faire reconnaitre le sport santé, raconte fièrement Virginie. Ces femmes vivent parfois des drames. Et grâce à ce sport-bien-être, elles se dépassent. Elles oublient leur maladie, se réconcilient avec leur corps et gagnent en confiance. Ce sont des super women, conclut la kinésithérapeute qui termine en ajoutant : et cette année, la section s’ouvre aux messieurs ! » Qu’on se le dise ! Plus d’information sur Facebook : les Rubies d'Argelès-Gazost

Des kinés du sein qui s’impliquent
Le Réseau des kinés du sein est formé de kinésithérapeutes diplômés ayant suivi une formation spécifique pour les patientes atteintes d’un cancer du sein.
BON A SAVOIR… L’association a édité un livret pour accompagner les patientes opérées du sein après la chirurgie jusqu’à leur première séance chez le kinésithérapeute. 40 pages de conseils et d’exercices à faire pendant la chimiothérapie, la radiothérapie et post-opératoire… A télécharger dans la rubrique « Patientes » puis « Livret » sur https://www.reseaudeskinesdusein.fr/qui-sommes-nous/