Interview

[LYMPHOEDEME] « Le travail est primordial pour moi »

Anne-France habite à Montélimar, dans la Drôme. Elle a 49 ans. Son lymphœdème a été diagnostiqué alors qu’elle avait 19 ans. Il a chamboulé sa vie.

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Quatre parcours de vie. Quatre témoignages. Quatre patientes racontent leurs difficultés mais aussi ce qui les motive. Rencontrées à l'occasion d'un traitement intensif ou d'une consultation au Centre de référence constitutif des maladies vasculaires rares (CRC-MVR) de l'hôpital St Eloi à Montpellier, elles partagent leurs expériences. 
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J’étais au lycée lorsque les premiers symptômes sont apparus. Ma cheville était enflée mais je ne men suis pas occupée. Dès le début de mes études, mon pied sest vraiment mis à gonfler. Les premiers temps ça ne minquiétait pas. Mais rendez-vous après rendez-vous, la réalité sest imposée à moi : javais un lymphœdème primaire du membre inférieur droit et c’était définitif. Lorsque jai compris que mon rail n’était plus possible, je me suis effondrée. Ça a été dur de me dire que je devrais vivre avec ça. Javais 20 ans. Mon parcours de vie a été chamboulé. Javais commencé un BTS tourisme, je voulais voyager et accompagner des touristes. Cette option est soudain devenue inimaginable car je ne pouvais plus rester en position statique, debout. Mes rêves se sont envolés.

Cela fait trente que je vis avec. Je me débrouille mais il y a des phases… Aujourdhui, je fais du yoga, cest mon truc à moi, ça mobilise bien mon corps. Je marche aussi. Mais ce qui ma stabilisé, cest mon travail. Jai passé un concours pour devenir fonctionnaire. Je suis secrétaire dans un établissement scolaire. Je vois du monde. Il y a une interaction avec les gens qui mentourent. Travailler maide à ne pas penser à mon œdème (ressasser la maladie ne mintéresse pas). Pendant longtemps, le regard des autres sur moi a été compliqué. Jessayais de trouver des combines pour cacher ma jambe. Ça ne fait quune quinzaine dannée où je vais mieux. Avant, javais honte. Par rapport à mon image, c’était compliqué. Socialement, je me suis renfermée. A cause du regard des autres, je me suis interdite de piscine pendant des années ! En réalité, personne ne nous regarde. Et quand bien même, au bout dun moment, jai réussi à en faire fi. Être volontaire ma aidé à passer des étapes.

 

Mes traitements : J’étais suivie par une kinésithérapeute. Elle est partie à la retraite. Ce sera compliqué den trouver un bien formé aux soins. Je ne men suis pas encore occupée… Je vais demander conseil à lAssociation vivre mieux le lymphœdème de Montpellier (AVML). Du côté des contentions, jen avais une qui me convenait parfaitement, mais elle ne se fait plus. Lorsque je lai appris, ça été un choc de plus. Jai beaucoup de mal à en trouver une nouvelle (jen suis au 6e essai à la pharmacie). Et le reste à charge, ce nest pas rien !

 

Mon message : Ce qui ma manqué cest un soutien psychologique. Je ne lai pas fait à l’époque et je le regrette. Malgré le lymphœdème, malgré mes érysipèles, jai été dans le déni. Je me suis fait violence pendant des années pour ne pas le voir, ne pas le prendre en charge. Jai mis des années à accepter de porter un bas de contention. Cest une leçon que je retiens : voir un psychologue aide à accepter le handicap, à accepter cette « anormalité » et à avancer. Même un groupe de paroles maurait aidé. Aucun médecin ne men a jamais parlé. Ils devraient inciter les patients à se tourner vers un réseau ou un professionnel pour trouver un soutien. Cest tellement important ! Faire tout, tout seul, a ses limites.


Propos recueillis par Laurence Toulet Delaporte