A l'honneur
Interview du Dr Marc Julia, membre du Comité National Olympique et Sportif Français
Publié le
Service : Médecine Physique et de Réadaptation
Entre la prévention des accidents graves chez les rugbymen et l'analyse des mouvements sportifs, le Dr Julia nous dévoile les coulisses de son métier et ses aspirations pour l'avenir.
Il a même prédit des médailles dans cette interview réalisée une semaine avant le début des Jeux Olympiques.
Qui êtes-vous ?
Je suis le Dr Marc Julia, médecin spécialisé en Médecine Physique et de Réadaptation (MPR) avec une expertise en médecine du sport. J'ai suivi un parcours classique, commençant par des études de médecine à Montpellier pendant six ans, suivies d'un internat à Nice dans le service de MPR. Ensuite, je suis revenu à Montpellier en tant que chef de clinique, puis praticien hospitalier, où j'ai développé une équipe médicale et traumatologique dédiée au sport. Actuellement, je partage mon temps entre le Centre Hospitalier de Montpellier et celui de Perpignan, à hauteur de 40 %.
Je suis également chercheur associé au laboratoire Euromov en STAPS, où je finalise une thèse de science sur le rachis cervical des rugbymen et la prévention des accidents graves. C'est un domaine qui me passionne et qui occupe une partie de mon temps.
Mon intérêt initial porte sur les accidents cervicaux entraînant des tétraplégies, une paralysie survenant lorsque la moelle épinière est touchée. Les chocs peuvent entrainer également des commotions cérébrales, comme illustré dans le film "Seul contre tous" (Concussion) avec Will Smith, qui traite des dommages cérébraux liés aux traumatismes mais ce n'est pas le sujet principal de mes recherches. En ce qui concerne les muscles cervicaux, j'étudie leur capacité et leur réactivité à se contracter rapidement pour protéger à la fois le rachis cervical et le cerveau.
Faites-vous partie d'un staff médical d'une équipe ou d'une structure sportive ?
Oui, j'ai effectivement un parcours dans le domaine médical sportif. Je suis médecin de l'équipe professionnelle de rugby de Perpignan depuis une dizaine d'années. J'ai également été médecin de l'équipe de France des moins de 20 ans pendant six ans, ainsi que médecin pour l'équipe de rugby à 7 jusqu'aux Jeux Olympiques de Rio, où j'ai eu l'honneur de participer en tant que médecin de l'équipe de France de rugby à 7.
Actuellement, je suis principalement impliqué dans le rugby à 15 professionnel à Perpignan. En parallèle, je suis médecin au CREPS de Montpellier, où, avec ma collègue le Dr Ribaud, nous sommes responsables du suivi médical des athlètes.
Comment vous êtes-vous retrouvé membre du Comité National Olympique et Sportif Français avec pour mission d'encadrer l'équipe médicale de la délégation française lors des JO ?
La nouvelle médecin-chef, le Dr Stéphanie Nguyen, qui a pris ses fonctions il y a trois ans, a constitué une équipe autour d'elle pour l'accompagner sur les différents événements. Nous avons eu la chance de nous côtoyer lors de nos études et avons régulièrement échangé, notamment lors des Jeux de Rio. Elle m'a vu travailler et, je pense, a reconnu mes compétences. Notre amitié a également joué un rôle, ce qui l'a amenée à me solliciter pour l'accompagner.
Un staff comme celui-ci repose non seulement sur des compétences, mais aussi sur des relations humaines. Il est essentiel d'avoir confiance en ses collègues. Nous avons construit cette équipe ensemble et j'en suis fier. Cela me touche qu'elle ait pensé à me solliciter.
Combien êtes-vous au sein de l'équipe médicale ?
Nous sommes quatre médecins au sein du CNOSF, sous la direction du Comité olympique. Il y a trois médecins de l'INSEP et moi-même. Ce qui est amusant, c'est que l'un des médecins a été formé ici, au CHU de Montpellier. C'est un jeune que nous avions encadré et envoyé se former à Paris, et que je retrouve à cette occasion.
En réalité, chaque fédération ou délégation a plus ou moins son propre médecin. Par exemple, le Dr Ribot, qui est médecin à l'hôpital, est également le médecin de l'équipe de France de taekwondo et sera donc présent sur place. Pour ma part, j'ai été médecin pour le rugby à Rio. La majorité des fédérations ont leur propre médecin.
Certaines fédérations n'en ont pas et c'est là que nous intervenons pour combler ce manque. Nous apportons également un soutien aux médecins des fédérations, car sur place, il y a un grand pôle médical que nous coordonnons. Pour cela, nous avons une équipe de soutien présente à la fois sur le site du village et sur les sites de compétition.
Avez-vous un avis consultatif ou soignez-vous également ?
Oui, effectivement, nous sommes là pour soigner les sportifs qui viennent nous voir. En général, les sportifs ont un premier contact avec leur médecin de fédération. Cependant, certaines délégations n'ont pas de médecin attitré, et dans ce cas, ils viennent nous consulter directement.
De plus, certains médecins souhaitent échanger avec nous sur des prises en charge parfois un peu complexes. Nous offrons donc un soutien supplémentaire, notamment grâce à un secteur d'imagerie très développé. Nous avons la chance d'avoir des spécialistes au sein du CNOSF, ce qui nous permet de mettre à disposition des outils tels que l'échographie pour tous les athlètes français.
Avez-vous attendu le début des JO pour commencer vos missions ?
Non, nous avons commencé bien avant le début des Jeux Olympiques. À Montpellier, en tant que CREPS, nous avons accueilli des équipes comme l'équipe de France de judo. Le médecin de la fédération nous avait sollicités pour bénéficier de l'imagerie médicale. En pratique, nous avions des créneaux réservés quotidiennement pour répondre aux demandes des athlètes.
Nous avons mis en place ce système pour les équipes présentes dans notre ville. Actuellement, l'équipe d'athlétisme d'Australie et celle d'Afrique du Sud se préparent au CREPS. Nous restons donc en alerte, prêts à intervenir si les médecins de ces fédérations nous sollicitent pour coordonner les soins. Pour le judo, cela a également impliqué la chirurgie, et nous avons coordonné l'accès aux soins sur Montpellier.
J'ai d'abord été sollicité localement, puis nous sommes montés à Paris pour deux séminaires médicaux. Nous y avons rencontré les 40 à 50 médecins des différentes fédérations afin de mieux nous connaître et de faciliter notre collaboration.
Pour vous, si vous deviez miser sur une médaille d'or dans une discipline ou sur un athlète ?
Le candidat le plus certain est le nageur Léon Marchand qui, à mon avis, a de grandes chances de décrocher l'or. Il y a aussi Teddy Riner, que j'espère vivement voir remporter l'or.
Mon cœur penche aussi un peu pour l'équipe de France de rugby à 7 ! Il est vrai que cette discipline a émergé tardivement mais ce serait vraiment extraordinaire pour ce sport. Surtout pour le leader ou la figure de proue, Antoine Dupont : il est celui que l'on voit le plus et qui apporte énormément à l'équipe. Pendant des années, l'équipe n'a pas réussi à gagner le tournoi mais cette année elle a remporté deux tournois, dont le tournoi mondial. Ce serait formidable pour toute l'équipe de pouvoir enfin rapporter la médaille d'or olympique.
Et vous, êtes-vous sportif ?
Oui, je pratique le rugby, mais plutôt le rugby à toucher pour des raisons de traumatologie et de respect du corps. Le touch rugby est très agréable et ludique, permettant de mélanger les générations et les sexes et on peut y jouer en famille. C'est vraiment très sympa !
J'adore également la gymnastique artistique et je m'efforce de continuer à la pratiquer un peu. Bien sûr, je fais attention aux agrès pour ne pas trop les abîmer, car je n'ai plus tout à fait le même physique qu'à l'époque. Mais c'est un sport que je continue à apprécier.
Souhaitez-vous continuer à vous impliquer davantage dans un staff professionnel d'une équipe pro ?
Non, je suis bien comme je suis actuellement. J'ai réduit mon engagement au sein du club de rugby de Perpignan pour m'impliquer davantage dans le CNOSF. Il y aura des événements chaque année auxquels je participerai régulièrement.
Je supervise déjà les jeunes que je forme ici au CREPS de Montpellier et je travaille également sur ma thèse de sciences. De plus, nous avons la plateforme CARTIGEN au CHU, qui analyse le mouvement des sportifs. Nous commençons à établir des liens avec des sportifs de haut niveau, que ce soit en athlétisme ou en volley-ball, pour analyser au mieux leurs mouvements. Grâce aux outils dont nous disposons aujourd'hui, nous pouvons optimiser la performance et prévenir les blessures.