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Yoga et méditation : des pratiques bénéfiques lorsqu’on a un lymphœdème. Une rencontre proposée par Laurence Toulet-Delaporte

Kinésithérapeute spécialisée en lymphologie, Hélène Pourquier-Margaill travaille au CHU de Montpellier. Au fil des années, elle a introduit dans son travail le yoga et la méditation pour aider les patients atteints d’un lymphoedème à mieux vivre avec leur maladie chronique.

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Chaque jour, Hélène jongle entre deux postes. Son après-midi est dédié à l'unité de Lymphologie au sein du Département des Maladies lymphatiques et vasculaires rares du professeur Isabelle Quéré (hôpital St-Eloi) et, le matin, au service Gynécologie-Obstétrique dans l’unité de cancérologie (hôpital Arnaud-de-Villeneuve). 
« Le lymphœdème est une maladie méconnue, chronique et évolutive entraînant pour les patients des difficultés physiques et psychiques plus ou moins lourdes », explique d’entrée de jeu Hélène Pourquier, kinésithérapeute depuis trente-huit ans. « Ils ont une vie très impactée par les contraintes du traitement et des soins, qui sont quotidiens, générant souvent une grande lassitude et une image négative de leur corps.

La kinésithérapeute, qui travaille en équipe au Centre de référence des maladies lymphatiques et vasculaires rares du CHU de Montpellier, prône une démarche holistique combinant aux soins physiques le développement de la confiance en soi. « Les neurosciences s’intéressent aujourd’hui aux effets de la méditation (mindfulness) et du yoga sur les fonctions cognitives, sur la production des sentiments "positifs" (empathie, estime de soi, bonheur…), sur la diminution des sentiments "négatifs" (stress, colère, anxiété…) et sur l’amélioration du système immunitaire. Je suis persuadée que la pratique de la méditation et du yoga peut améliorer la qualité de vie des patients », explique la professionnelle.

Cette pratique laisse entrevoir des résultats encourageants

« Dans mon travail, je m’appuie sur la méditation et le yoga pour transmettre aux patients des connaissances, des savoir-faire et des savoir-être. C’est un outil que je mets à leur disposition pour qu’ils arrivent à prendre en charge leurs soins, pour qu’ils deviennent leur propre « coach ». Et, dès qu’ils se sentent découragés, je leur conseille de s’appuyer sur la méditation, qui leur apprend à se désolidariser de leurs idées négatives. Le « je suis triste » devient « j’ai des idées tristes » ; cette variation de points de vue aide à prendre du recul par rapport à l’émotion ressentie. »
Cette pratique permet aussi au patient de gérer son traitement avec indulgence. Le travail de méditation est un complément intéressant pour la prise en charge du lymphœdème car il permet de s’écouter davantage, de mieux gérer ses émotions et de trouver ses propres limites : le patient apprend à « se faire du bien ».
« Ces méthodes de travail me permettent de créer une relation de confiance, d’empathie et de bienveillance avec les patients. Ma récente expérience en méditation - appliquée aussi à la maternité auprès de femmes suivies pour grossesse à haut risque et de femmes opérées d’un cancer du sein - laisse entrevoir des résultats encourageants. C’est un formidable outil à la disposition de tous les professionnels de santé souhaitant enrichir et élargir leur champ d’action pour une prise en charge holistique du patient », conclut la kinésithérapeute.


« Au cours des séances de kinésithérapie, la méditation de pleine conscience me permet d’introduire respiration et postures, clé de voûte permettant au patient d’aller mieux. »


Fermer les yeux, se concentrer sur la respiration, cultiver l’instant présent : c’est le principe même de la méditation de pleine conscience.

 


Tout l’intérêt de méditer lorsqu’on est malade…

Selon la kinésithérapeute, pratiqués régulièrement et sur le long terme, les exercices de méditation peuvent aider à mieux vivre sa maladie. « Au quotidien, on se comporte mécaniquement, sans conscience de l’instant présent, explique Hélène. En intégrant la pleine conscience, on arrive peu à peu à reconnaitre les automatismes. On apprend à éviter de se juger, on s’autorise à repousser ces sentiments d’impuissance, de découragement ou de désespoir qui parfois nous assaillent. La méditation permet le lâcher-prise : on cesse de prêter attention à toutes ces pensées négatives (qui ne sont que des idées) pour se focaliser sur le moment présent (bien réel). Grâce aux exercices de méditation, le patient arrive alors au fil du temps à mieux cerner ses émotions, à mieux les gérer et, par effet boomerang, il sème des graines de sérénité sur son quotidien. Il s’exerce à ne plus réagir contre ce qu’il ne peut pas contrôler (lymphœdème non réversible) et utilise plutôt cette énergie-là pour agir sur ce qui lui fait du bien : il prend soin de lui (auto-soins, méditation, yoga, activités sportives…). »


Les bienfaits du yoga

Le yoga est une pratique ancienne corps-esprit désormais fréquemment utilisée en milieu hospitalier. D’une part, les exercices de respiration favorisent la diminution (voire la disparition) du stress et améliorent la qualité du sommeil, d’autre part cette pratique, si elle est régulière, permet d’acquérir une meilleure souplesse articulaire et une tonicité musculaire avec une diminution des douleurs (dos, hanches, cou, épaules...).
Au sein du Centre de référence des maladies lymphatiques et vasculaires rares de l’hôpital St-Eloi, Hélène Pourquier initie les patients atteints d’un lymphoedème au yoga « parce qu’il présente un réel intérêt pour eux, note la kinésithérapeute. Le lymphœdème est en effet un facteur de dysharmonies articulaires et de tensions musculaires qui peuvent s’étendre à tout le corps : selon sa localisation (sur le membre inférieur ou le membre supérieur), le volume et la lourdeur du membre créent un déséquilibre physique. Les postures de yoga, qui doivent en l’occurrence être soigneusement sélectionnées, permettent d’améliorer cet équilibre postural. 
Grâce à une pratique régulière du yoga,
poursuit Hélène, un patient retrouvera une bonne souplesse articulaire de la racine de ses membres (épaules et/ou hanches). Et cette nouvelle souplesse acquise participera à une stimulation optimale des aires ganglionnaires (axillaires ou inguinales). Mécaniquement, cela se traduit par une mobilisation amplifiée des membres qui favorise naturellement le drainage lymphatique des membres touchés par le lymphoedème. Autre effet positif, avec la respiration diaphragmatique, la pratique régulière du yoga a des effets bénéfiques sur les fonctions cardiovasculaires. Le transport des cellules de l’immunité est favorisé, les déchets métaboliques de l’organisme mieux éliminés. L’inflammation systémique peut être limitée, conclut la kinésithérapeute. »

Zoom sur l’équipe de lymphologie du Centre de référence de l’hôpital Saint-Eloi de Montpellier

L’unité de lymphologie du professeur Isabelle Quéré est composée du docteur Sandrine Mestre Godin, médecin vasculaireresponsable de l’unité, de trois kinésithérapeutes, Maria De los Santos Donoso Izquierdo, Patricia Marquez Cardenas et Hélène Pourquier, et de deux infirmières Agnès Blanc et Géraldine Davidou. Les docteurs Murielle Benhamou, Emilie Valdelièvre et Salma Adham travaillent régulièrement avec l’équipe ainsi que le docteur Virginie Soulier-Sotto, angiologue, également titulaire du Diplôme universitaire (DU) « Méditation et Santé ».

Bio express

Kinésithérapeute depuis trente-huit ans, Hélène Pourquier-Margaill obtient en juin 2019 le Diplôme Universitaire « Méditation et Santé » à l’université de médecine de Montpellier-Nîmes.

Elle est aujourd’hui correspondante en Éducation thérapeutique du Pôle Femme-Mère-Enfant au CHU de Montpellier et enseignante à l’Institut de formation en masso-kinésithérapie (IFMK) de Montpellier.
Elle est en outre membre du comité scientifique de l’Association vivre mieux le lymphoedème (AVML), vice-présidente de la Société française de lymphologie (SFL), membre du conseil d’administration du Partenariat français de lymphologie (PFL).