A l'honneur

Pair-aidant : soutenir un patient au quotidien

Alain agit sans relâche, au quotidien et depuis des années pour que sa vie de famille ne soit pas limitée par les contraintes liées au lymphœdème primaire bilatéral des membres inférieurs de son épouse Véronique. Rencontre émouvante avec Alain, pair-aidant*.

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Depuis un an, Alain s’occupe de l’antenne Ile-de-France de l’Association vivre mieux le lymphœdème (AVML). Il est également trésorier d’un club de natation chapeautant près de 400 adhérents et il vient de rejoindre l’organisation européenne Vascern en tant que défenseur des patients français atteints d’un lymphœdème pédiatrique et primaire.
En invalidité et à la retraite, Alain est surtout très impliqué dans sa vie de famille. « Un pair-aidant, explique-t-il d’entrée de jeu, c’est quelqu’un qui s’associe à une personne qui souffre d’un handicap ou d’une maladie qui l’empêche de vivre normalement. Ma femme Véronique a un lymphœdème primaire bilatéral des membresinférieurs. Mon rôle a toujours été moins médical que psychologique. Aujourd’hui, tous les deux, nous connaissons bien les contraintes et les règles d’autosoins et de surveillance.
J’aime penser que grâce à moi le quotidien de mon épouse est moins impacté par le lymphœdème, ses contraintes, ses problèmes et ses douleurs. Par exemple, j’organise les activités de telle manière qu’elles puissent être faites ensemble. Je m’occupe aussi des relations avec le reste de la famille, de l’entretien de la maison… Quand on a perdu de son autonomie, lorsque fatigue et douleur sont omniprésentes, alors c’est bien si quelqu’un au sein du couple prend le relais et organise les activités. Faire en sorte que le handicap ne devienne pas un obstacle est important, pour mon épouse, mais aussi pour notre couple et notre famille,
témoigne Alain. »


« Une liberté retrouvée, le goût d’une autonomie sauvée »

« Pair-aidant ». Depuis quelques années, ce terme revient dans les conversations au sein des associations de patients et dans le milieu médical. S’il est relativement récent, ce qu’il recouvre n’en reste pas moins une réalité ancienne. « Je le suis depuis bien longtemps, raconte le sexagénaire. Cette relation patient-aidant s’est installée naturellement au fil des années. J’ai structuré toute notre vie autour de la famille et cette notion fait partie intégrante de notre couple. Je ne rencontre aucun problème à gérer nos contraintes, nos difficultés, y compris psychologiques, des deux côtés (j’ai perdu la vue d’un œil). Les poids que nous portons sont lourds. Ils s’appellent lymphœdème, handicaps. Et derrière ces mots, il y a le regard sur soi-même, et le regard des autres qui pèse, très quotidien, rarement tendre face à un lymphœdème.
Ma femme sait qu’elle ne peut pas pratiquer les activités de tout le monde. Un lymphœdème primaire bilatéral enlève de l’autonomie, surtout lorsqu’on ne suit pas les traitements préconisés. C’est ce qui est arrivé il y a quelques années. Dans les années 2010, mon épouse a eu du mal à gérer son lymphœdème. Elle a lâché prise avec les gestes quotidiens, bandes compressives, autosoins... Mon épouse se fatiguait vite. Elle avait du mal à marcher, elle a pris beaucoup de poids et a perdu beaucoup d’autonomie. A cette époque, lorsque nous sortions, c’était en fauteuil roulant. A ce moment-là, on ne parlait pas de traitements intensifs ou de programmes d’éducation thérapeutiques. Puis elle a été opérée (Bypass). Et elle a retrouvé une certaine indépendance. L’année qui a suivi, on a décidé de s’offrir un grand voyage aux Etats-Unis. Ce voyage, c’est le symbole d’une autonomie en partie retrouvée. C’est une liberté regagnée. Le lymphœdème aujourd’hui, même s’il a ses contraintes, n’est plus le même obstacle qu’il était avant. On sait que c’est possible. 
»

Être dans l’action pour se réapproprier sa vie

Mais la maladie prend de la place. Porter des bas de contention toute la journée est contraignant et douloureux. La fatigue, il faut vivre avec, jour après jour. « Ces dernières années, ma femme a recommencé à subir son lymphœdème. Il y a deux ans, je me suis engagé au sein de l’AVML. Ce n’est pas un hasard, mon engagement coïncidait avec la volonté farouche de soulager mon épouse davantage. J’avais envie que la situation évolue. Qu’elle réalise tout ce qu’il est possible de faire avec son lymphœdème. Qu’elle devienne actrice de sa maladie et non qu’elle la subisse. Mon souhait est qu’elle retrouve un confort de vie qu’elle n’a plus. Mon épouse s’est adaptée à son lymphœdème, alors que je suis persuadé qu’au contraire il faut apprendre à vivre (bien) avec. Pour elle, j’ai mis en branle une démarche de partage. En m’investissant au sein de l’AVML, je voulais qu’elle se sente concernée. Je pense avoir réussi en partie. Mon épouse commence à suivre les réunions que j’organise. Elle regarde les webinars que l’AVML diffuse auprès des patients. Pour aller plus loin dans la démarche active, ce serait formidable qu’elle prenne part, un jour, aux ateliers d’autosoins, qu’elle compare son expérience avec celle d’autres patients », conclut Alain.


Voir plus loin : porter la voix des patients français  au-delà de nos frontières

« Je viens de m’engager comme ePAG au sein de Vascern, un des réseaux européens de référence (ERN) pour les maladies vasculaires rares. Je représente les patients français à côté des autres pays. En coordination avec des cliniciens, des groupes de travail apportent de l’information aux patients. Cette information se veut concrète, pratique et conforme à la connaissance médicale des professionnels de santé. Nous communiquons sur des notions simples dans différents domaines du « Faire - Ne pas faire ».Pour les lymphœdèmes, des fiches traitent de grossesses, des enfants, d’entretien de sa peau etc. et des vidéos sont réalisées mettant en avant la prise de paroles de patients.
Nous devons partager les contraintes, les expériences et le quotidien des patients parce qu’on ne soigne pas, on ne vit pas et on n’est pas pris en charge de la même manière dans tous les pays. En Europe, le problème reste très inégalitaire y compris dans le diagnostic. Lorsqu’une action de lobbying ou une action auprès des pouvoirs publics au niveau européen ou mondial est lancée, tous les aspects des maladies rares devraient être exprimés, consolidés et équilibrés pour que tout le monde trouve un soutien en retour,
martèle Alain. »

 

* Un pair-aidant, c’est quelqu’un qui soutient une personne souffrant d’un handicap, d’une maladie qui l’empêche de vivre normalement

Propos recueillis par Laurence Toulet Delaporte